La Polynésie française a déjà voté, en ce dimanche. Comme toutes les communautés de la République française. Enfin, pas tout à fait… La décennie passée dans cette collectivité d’outremer m’a permis de couvrir moult élections, locales comme nationales. Alors, si je vis cette présidentielle depuis la métropole, voici un petit récit de mes souvenirs de scrutins, tel qu’ils se tiennent à 18 000 km de Paris.
Déjà, tout débute par des largages. Non de résistants, même si l’ambiance Radio Londres s’est emparée des réseaux sociaux, mais du matériel électoral dans les îles ne bénéficiant pas d’un aérodrome (une quinzaine de la soixantaine d’habitées sur les 118 qui composent la Polynésie française). Parfois, les bulletins de vote, professions de foi et affiches arrivent avec pas mal de retard de Paris. Pour respecter le timing, cela impose alors le recours aux avions militaires pour parachuter des documents au départ de Tahiti.
Hier, samedi, les 48 communes étaient prêtes à accueillir 189 680 électeurs (pour 270 000 habitants) pour la présidentielle. Les 12 heures actuelles en moins de décalage horaire avec Paris expliquent cette avancée pour un scrutin national (les municipales se déroulent le dimanche). Avec leur demi-heure d’avance sur Tahiti, l’archipel des îles Marquises se démarque un peu.
En dehors du rendez-vous républicain, le jour J, la Polynésie s’arrête de vivre. Pas de manifestation sportive ou culturelle, l’alcool est interdit à la vente depuis la veille au soir (non, le colonialisme existe encore…), et les supporters de chaque candidat se préparent comme pour un match de football !Le matin du scrutin, les abords du lieu unique de chaque commune qui regroupe plusieurs bureaux de vote sont pris d’assaut. D’abord par les vendeurs de boissons fraiches, de casse-croutes (oui, on ne dit pas sandwichs à Tahiti !) et de brochettes. Ensuite, les sympathisants des divers candidats mettent leur tenue à la couleur du parti qu’ils soutiennent. Et préparent leur siège pour tenir toute la journée jusqu’à la publication des résultats. Ensuite, lorsqu’il s’agit d’un scrutin local, les candidats se positionnement dans l’allée centrale, celle bordée de barrières où agglutinent les partisans avec leur tee-shirt et drapeau coloré, qu’empruntent les électeurs. Les candidats se font la course pour aller serrer la main de leurs concitoyens. Pendant ce temps-là, les mutoi, les policiers municipaux font, ou tentent d’établir, la circulation avec leur sifflet aux abords du lieu de vote, école ou mairie comme en métropole. C’est que, après avoir accompli leur devoir, les Polynésiens restent sur place, discutent, palabrent, et prennent des nouvelles de la famille… Et comme quasiment tout le monde est en famille, cela peut durer des heures… D’ailleurs, les ukulele ne tardent pas à sortir. On chante, alors. A Papeete, la capitale, un speaker aiguillonne au micro les électeurs, qui pour trouver son bureau, qui pour récupérer sa carte d’électeur, qui pour aller déplacer un pick-up qui bloque une servitude, une impasse.
Il faut savoir aussi,que le président du bureau de vote et ses assesseurs, et même les rideaux des isoloirs, affichent parfois les couleurs des partis politiques. Des fois, cela passe, d’autres fois le couperet tombe de la justice tombe, annulant le scrutin… Mais, on n’hésite jamais à afficher ses opinions politiques !Le tavana, le maire, de la commune passe la journée à attendre. Quant vient le soir, que les lumières donnent une ambiance particulière, que la douceur vient remplacer la moiteur, le dépouillement peut commencer. Après les comptage, les résultats sont proclamés par le tavana. En présence des candidats ou de leur représentant local, tous alignés cote à côte. Les perdants prennent la parole au micro officiel. Puis les vainqueurs. Et les supporters chantent, crient… C’est le signe que l’on peut aller fêter la victoire, ou tenter d’oublier la défaite, en débouchant quelques obus de Hinano, des bouteilles de 50 cl de la bière locale. Demain, on lira les résultats de tous les bureaux de vote dans les deux quotidiens locaux… Et l’on reprendra les palabres jusqu’aux prochaines élections de la République française.
Frédéric Gouis
Bien calmement dans la queue…
On chante en attendant les résultats…
Les hommes politiques, ici Gaston Tong Sang et Philip Schyle devisent de la participation.
Les chants commencent dès le matin !
Le député-maire de Papeete Michel Buillard, et le speaker officiel, accueillent les électeurs.
Ah, ce n’était pas une élection présidentielle…